Une construction récente et étrangère à l’enseignement biblique
Le dispensationalisme est aujourd’hui une des théologies prophétiques les plus répandues dans certains milieux évangéliques, notamment aux États-Unis, au Canada et dans le monde influencé par le protestantisme anglo-saxon. Pourtant, ce système, souvent accepté comme une évidence par beaucoup, ne trouve pas son origine dans l’Église primitive ni dans la Réforme, bien que certains veuillent nous le laisser croire, mais dans un mouvement très récent de l’histoire de l’Église.
Ce texte retrace en détail les origines historiques, les principaux promoteurs, et l’expansion de ce système jusqu’à aujourd’hui.
1. Une invention du XIXe siècle : John Nelson Darby
Le dispensationalisme prend sa source dans les années 1830, au sein des Frères de Plymouth, un mouvement évangélique britannique. Son principal fondateur est John Nelson Darby (1800–1882), ancien avocat devenu prédicateur anglican.
Darby développe une nouvelle lecture des Écritures, basée sur une vision strictement littérale et chronologique de la Bible. Il introduit notamment :
- La division de l’histoire du salut en sept « dispensations »”, périodes dans lesquelles Dieu agit différemment envers l’humanité,
- Une distinction radicale entre Israël et l’Église,
- L’idée d’un « enlèvement secret » de l’Église avant la grande tribulation.
Ces idées étaient inconnues des Pères de l’Église, des réformateurs protestants, et de la majorité du christianisme historique.
L’essor aux États-Unis grâce à la Bible Scofield
Les idées de Darby franchissent l’Atlantique et trouvent un large accueil aux États-Unis, notamment grâce à Cyrus Ingerson Scofield (1843–1921).
En 1909, Scofield publie la célèbre Bible annotée Scofield, qui insère dans les marges et les notes un système dispensationaliste complet (sept dispensations). Pour des générations de croyants, les notes de Scofield deviennent aussi influentes que le texte biblique lui-même, ce qui contribue à propager cette vision :
- L’Église serait une parenthèse inattendue dans le plan de Dieu,
- Le véritable peuple de Dieu resterait Israël,
- Le royaume promis à Israël n’est pas spirituel mais politique et terrestre,
- L’enlèvement précèderait une tribulation de 7 ans centrée sur Israël.
Le développement académique : Dallas Theological Seminary
Le dispensationalisme se structure théologiquement au XXe siècle à travers des institutions comme le Dallas Theological Seminary (fondé en 1924), qui forme des générations de pasteurs, enseignants et missionnaires.
Des figures comme :
- Lewis Sperry Chafer (fondateur du séminaire),
- Charles Ryrie (auteur de la Ryrie Study Bible),
- John Walvoord (l’un des principaux architectes du dispensationalisme moderne), ont popularisé le système dans des ouvrages académiques et pastoraux.
Ce séminaire devient le bastion intellectuel du dispensationalisme, consolidant cette théologie comme référence dans plusieurs milieux évangéliques. Souvenez-vous que cette doctrine est étrangère à l’enseignement biblique.
L’impact populaire : Hal Lindsey, Tim LaHaye et la culture chrétienne
À partir des années 1970, le dispensationalisme connaît une popularité massive grâce à des livres à succès :
- Hal Lindsey, avec The Late Great Planet Earth, 1970, qui applique les prophéties de Daniel et de l’Apocalypse à la géopolitique moderne.
- Tim LaHaye et Jerry B. Jenkins, avec la série de romans Left Behind, vendue à des millions d’exemplaires, centrée sur l’enlèvement secret et la tribulation.
Ces œuvres, et bien d’autres, ancrent dans la pensée populaire une eschatologie dispensationaliste, mêlant interprétation littérale, sensationnalisme prophétique et anxiété mondiale.
Le soutien politique à l’État d’Israël
Un autre facteur de diffusion du dispensationalisme est son lien avec le sionisme chrétien. Selon cette théologie, l’État moderne d’Israël est la restauration prophétique du peuple de Dieu, et doit être soutenu à tout prix.
Cette vision influence la politique étrangère de plusieurs pays, surtout les États-Unis, et alimente l’idée que Israël géopolitique est central dans le plan final de Dieu, alors que l’Église ne serait qu’un acteur secondaire ou temporaire.
Aujourd’hui : divisions et remises en question
De nos jours, le dispensationalisme se fragmente en plusieurs variantes :
- Classique : très rigide dans la séparation Israël/Église.
- Révisé ou « progressif » : tente d’adoucir certains excès (ex. : reconnaît une certaine continuité entre Israël et l’Église).
- Hyper-dispensationalisme : va plus loin encore, niant même que les évangiles soient pour l’Église.
Mais une remise en question grandit, car de nombreux chercheurs, pasteurs et croyants réalisent que ce système est récent, artificiel et non soutenu par la totalité des Écritures.
Conclusion : un système récent, non apostolique, et dangereux pour la foi
Le dispensationalisme est une construction humaine du XIXe siècle, étrangère à l’enseignement de Jésus, des apôtres et des Pères de l’Église. Il repose sur :
- Une mauvaise lecture des prophéties bibliques,
- Une division artificielle entre Israël et l’Église,
- Une eschatologie centrée sur la peur et la géopolitique plutôt que sur Christ et son règne spirituel.
Loin de faire progresser la foi, ce système détourne les croyants de l’unité du peuple de Dieu, et de l’appel à la fidélité dans un seul Royaume, celui de Jésus-Christ.
« Car il n’y a qu’un seul corps et un seul Esprit, de même qu’il y a une seule espérance attachée à l’appel que vous avez reçu. » — Éphésiens 4.4
